vendredi 18 mai 2018

Le crucifix de Rue



Laissez-moi vous conter comment une des trois croix de Nicomède assura la renommée et la richesse  de Rue du XIIème au XVIIIème siècle.




Ce port, déjà au temps des gallo-romains, capitale du Marquenterre est évangélisé par Wulphy, ermite du VIème siècle avec la bénédiction et le parrainage de Riquier (son abbaye est la deuxième splendeur du gothique flamboyant de la Somme, n’est-ce-pas Emmanuelle ?). L’église du saint Esprit qu’il fonde devient un important et jalousé lieu de pèlerinage pour  cette région berceau des royaumes francs et prend le nom de son fondateur.
Au neuvième siècle ses reliques sont translatées à Montreuil sur mer pour les abriter des pillards normands ; les Ruens prient, implorent mais elles ne leur sont pas rendues (ils en récupèrent un bout en 1535). Sont-ils entendus ? Une barque s’échoue en aout 1101 porteuse du crucifix miraculeux. D’où vient-elle ? De terre sainte, nous sommes au temps des croisades et tout ce qui vient de l’orient religieux est de la plus grande valeur. Nicomède le disciple de Jésus, représenté avec son beau chapeau dans les mises au tombeau renaissances, sculpta trois croix aidé pendant son sommeil par un ange, l’une est déjà arrivée à Lucques en 782 et notre Charlemagne participe à sa grande renommée. Les autres sont redécouvertes en terre sainte et malgré le refus de leur gardien les croisées s’en emparent et curieusement les chargent chacune sur une barque sans autre passager, laissant la main de Dieu les conduire. Une arrive à Dives sur mer en 1060, elle sera détruite par les calvinistes, l’autre remonte la Somme, puis la Maye et s’échoue à Rue en 1101 ! Elle est immédiatement placée dans l’église et la joie des paroissiens est telle que leurs cris firent tomber dans la mer toutes les mouettes du rivage. Placée dans le chœur, puis en raison du nombre des pèlerins dans le bas-coté nord; une chapelle est construite ensuite au XIVème XVème siècle, sous le vocable du saint Esprit, elle est un des trois chefs-d’œuvre du gothique flamboyant flamand de la Somme. Conjointe à l’église jusqu’au XVIIIème (son mur nord est commun et percé de communications avec la nef), la reconstruction de l’église ruinée par la révolution en fait un édifice séparé de la chapelle.






 
  
                      
La vénération de ce crucifix attire dès le XIIIème siècle des pèlerins d’Angleterre du Portugal et même de Palestine. Les souverains ne sont pas en reste : Jeanne de Castille, Edouard premier d’Angleterre, Isabeau du Portugal et son mari Philippe le bon, Louis XI, Charles V, François premier, les Louis XIII et XIV… les dons des pauvres comme des puissants contribuent à l’édification et à la dotation de cette chapelle. Les Abbevillois jaloux cherchent à voler la célèbre relique vers l’an 1200 ; le char ne parvient pas à sortir de la ville et les bœufs font demi-tour !
Les révolutionnaires brulent le crucifix, seul un avant-bras est sauvé, la relique serait encore visible dans la chapelle.

Cela valait le détour… 
  






Source : La chapelle du Saint-Esprit de Rue, thèse de Labrecque Claire, université de Laval, lire en ligne : https://corpus.ulaval.ca/jspui/handle/20.500.11794/20281


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire